Rue de Monthoux - Les machines ronronnent dans le lavomatic "Lavseul". Un Chinois farfouille dans des sacs et remplit deux machines à laver de nappes de restaurant et de linges de cuisine, il se râcle la gorge sans discontinuer ou alors carrément, il a un problème respiratoire, on croirait une cheminée encombrée, un bruit rauque saisissant. Il a dû repérer la niche et se créer un petit job ainsi, il fait le tour des resto et propose de laver leur linge ? Moins cher qu'un nettoyage industriel ?
Dans la même rue, les filles qui font le trottoir claquent des dents, des Africaines sont carrément en grosses doudounes hivernales. La tête entièrement emmitouflée dans un énorme capuchon bordé de fourrure. Le client doit sacrément faire preuve d'imagination pour deviner ce qu'il peut bien y avoir là-dessous. Elles tapent des pieds pour se réchauffer.
A côté, se trouve le Ankara Kebab. Chez Zaza, c'est le nom du patron que l'on voit poser sur fond de montagnes d'Anatolie. Une chaîne commerciale privée y diffuse des émissions en turc, principalement de la pub. Tout en mangeant votre kebab, vous découvrez que pour 69 livres turques vous vous soignez les hémorroïdes selon le Dr Gürdal Özen, pour 59 livres vos cheveux passent de blanc à brun foncé grâce à Molive Gray, et avec V-Pills selon le Dr. Ürolojl, grand spécialiste dans sa rue, vous devenez très musclé et pour couronner le tout, avec 179 livres turques vous pouvez vous acheter un flingue.
En mangeant un baklava dégoulinant de miel, j'écoute ensuite les variétés turques tout aussi mielleuses, entre deux machines.
De retour au "Lavseul", tandis que les machines tournent et tournent encore, je surveille la mienne en m' assoupissant. Il fait bon chaud dans cette pièce surchauffée par les grands séchoirs. Gwendolina, une superbe Dominicaine aux jambes longues comme un jour sans pain et surmontées de bottes montantes en cuir, entre rapidement. Elle a un client tout à l'heure, mais elle sait que c'est du genre rapide avec lui, alors elle met le programme "marche rapide" et "essorage" et promet de revenir chercher son linge aussitôt la passe terminée. Elle me prie de le surveiller du coin de l'oeil. Elle s'engouffre dans un immeuble aux studios meublés de la rue Charles-Cusin, promoteur de l'horlogerie genevoise dont le fantôme a dû être transformé en promoteur de la mécanique humaine. Elle revient mettre une deuxième fournée, cette fois-ci elle choisit un programme plus long, le prochain client est, lui par contre, du genre à prendre son temps. Elle sélectionne le programme "dégrossissage" "affinage" et " à cuire" - 60 minutes.
Il y a un lien certain entre le lavomatic et le baise-ô-matic ? A beautiful laundry !