Max, c'est ainsi que les habitants l'appellent aux Pâquis. Il se balade dans le quartier depuis quarante trois ans, auparavant, il vivait à Carouge. Personne, hormis ses amis, sait qu'il écrit des poèmes (Non !Ne le dites pas poète, il est si modeste, si humble , il insiste sur un portrait discret, murmuré du bout de ma plume....écrivez me suggère-t-il, auteur de poèmes)
Né à Bad St. Leonhard, Corinthie en Autriche, il y fera ensuite un apprentissage de quatre ans de tapissier décorateur. Sa deuxième langue choisie est le français, cette langue si rimée, si belle qui sied tant à la poésie. Mais, dans le fond toutes les langues sont belles, elles ont leurs notes, leurs mots, leur musicalité propre, même le dialecte Kärntner du Sud de l'Autriche qu'il parle et écrit est magnifique, une région qui s'exprime avec ses mots, ses intonations, sa culture. Il rit et dit se souvenir avoir entendu parler d' un paysan qui avait assuré sa vache laitière et pas son épouse !
Max pourrait parler des heures durant des "mots", oubliés, transformés qui traversent le temps déformés, ensevelis. Hier, ils disaient tant, aujourd'hui, vides de sens. Il faut donc se les réapproprier, les sortir de l'oubli, de la fange, les extraire de là où ils sont, de leur linceul de silence, les resituer dans un nouveau contexte et les offrir au monde avec toute leur force. Mais les mots servent aussi à défendre, dénoncer, il le fera avec la guerre du Viet Nâm et toutes les guerres :"En guerre, il y a seulement Deux qui luttent : la mort et la vie- Les autres sont tous des acteurs stupides " ou pour défendre la cause ouvrière "Comme ouvrier exploité, Et maintenant, encore jeune. Déjà infirme."
Son épouse est décédée le 22 juillet 2004 suite à un cancer. Elle lui disait déjà très souffrante, à deux reprises :"heureusement que c'est moi qui suis touchée par la maladie et pas toi". Que répondre à cela ! Quelle réponse donner ! Peut-être simplement avec ces mots en épitaphe sur la tombe de la bien-aimée et qui résument cinquante ans d'amour :"Nos fleurs fleurissaient au soleil ! Rarement l'ombre les a touchées. Mais depuis ton départ elles sont fanées."
Dans ce regard qui interroge le monde et ses injustices, il se souvient de la pauvreté, du père ouvrier atteint de tuberculose et de cancer à la gorge, incurable, puis le chômage, la fin des droits et la mort en bout de course. La mère veuve ne peut plus faire face aux besoins de ses cinq enfants, contraints, dès lors à la mendicité :" Madame, Monsieur, un bout de pain, s'il vous plaît!" la main tendue de maison en maison. Ces images-là ne s'effaceront jamais d'une vie, elles restent à jamais inscrites dans la mémoire, douleur perpétuelle de toute une existence.
La misère comme pour l'exorciser, il l'écrit, la dénonce, l'a décrit, il ne se libère plus de cet enfant qui a faim et froid en lui et qui lui tient la main sans plus le lâcher dans sa vie adulte, l'enfant pauvre est omniprésent. Il me raconte être retourné dans son village, il y a environ trois ans, en voyant Mme Anna la couturière qui à l'époque avec sa petite fille lui donnait toujours du pain malgré les milliers de points de broderie, les centaines de tricots, les yeux usés par la couture et qui ne suffisaient toujours pas à les nourrir, elle et sa fille. Il la salue. Elle ne le reconnaît pas à presque un siècle de distance : " Madame, donnez-moi du pain, je vous en supplie!" - Elle s'exclame et le reconnaît : Max, c'est donc toi ! Ce Max devenu un homme depuis et dont le parcours de poète se trouve désormais dans les archives de l'Université de Vienne. L'enfant mendiant a tracé sa route depuis !
Des larmes coulent sur ce visage raviné, sillonnent, inondent ce beau visage si tendre, ma plume reste suspendue, un ange passe...............
Il se reprend, dans la vie il faut de plus en plus de gens pour porter l'humanité afin qu'elle ne s'écroule pas - Je l'interroge : des poètes, des artistes ? Non, seulement et surtout des gens généreux et solidaires, ceux qui laissent leur égoïsme au vestiaire.
Le poème que Max choisit et nous offre:
LA PRIERE
Ciel, quelle prière veux-tu avoir,
Que cesse notre pauvreté,
notre souffrance ?
Je te vois rayonnant de ma paillasse déchirée,
laquelle est mon lit.
Je te vois par temps de pluie
quand tu nous envoies des innombrables
gouttes d'eau, par les trous de notre
toit abîmé, lesquelles touchent
souvent mon corps affamé.
Elles se mélangent avec mes larmes,
qui descendent sur mon visage maigre.
Le vertige, provoqué par la faim, m'a
fait danser la pièce, qui est plutôt
une antichambre du cimetière qu'une demeure.
Ciel, quelle prière veux-tu avoir, que cesse nos soufffrances ?
Est-ce le fait, qu'avec chaque jour
dans cette galère terrible,
l'amour de mes parents renaisse
de nouveau, est ton don absolu?
Alors, je dis : merci
- mille fois merci !
et prends ses mots de remerciements de
ma bouche tremblante comme prière.
(enfance dure , vécue par l'auteur du poème)
Commentaires
Il écrit des poèmes à la manière d'un grand auteur.
pouvez vous me communiquer l'e mail de MAX KUNL poète aux Paquis
ou une adresse pour le contacter. merci
Aziadée France
@Aziadée
rue Abraham-Gevray 7
1201 Genève
Cher Max,
Que d'émotions en lisant cet article et surtout le poème, imaginant ce que ta famille et toi avez vécu. Tu m'en avais parlé lorsque nous nous sommes rencontés il y a 3 ans.On reconnaît un être de grande valeur lorsque cet être est capable de mettre ses capacités intellectuelles et son coeur au service du bien. Il prête la force de ses mots pour soutenir les démunis et pour parler aux décideurs pour qu'ils fassent en sorte que la pauvreté ne soit plus d'actualité, que chacun mange à sa faim, ait un toit pour y vivre au chaud dans un lieu où la liberté accompagne les êtres tout au long de leur vie... Bravo Max mon ami tu es quelqu'un de grande valeur. Marianne
J'ai justement besoin de vous remercier encore une fois. Je ne suis pas sûr des choses que je pourrais éventuellement avoir mis en œuvre en l'absence d'idées intelligentes indiqué par vous au sujet de cette industrie.